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qui voulut périr sur la croix afin que nous puissions espérer en lui ! à ce sujet, Omer ne possédait pas d’idées lucides. Il se doutait bien de la méchanceté humaine ; cependant il s’estimait nanti de moyens pour la vaincre dans l’avenir. En somme, Mme Héricourt régnait sur le château, les domestiques, les fermiers et les marchands. Cela ne suffisait-il point ? D’ailleurs, il ne négligeait pas les prières : elles assurent l’accès du ciel où l’on trône, certainement, parmi les musiques des anges… il rattrapa le ballon et le fit rebondir. On entendit Médor aboyer à la grille, furieux, derrière le bruit d’une voiture côtoyant le saut-de-loup. Omer pensa qu’une berline, sans doute, ramènerait de Russie l’oncle Edme. Ce serait effrayant de voir le malade près de mourir, peut-être. Le ballon roula. Maman Virginie lisait. On se trouva loin du château, dans le bas du terrain. Les pelouses montaient de là jusqu’aux bâtiments. Au loin, les fenêtres monumentales des étages supérieurs recueillaient les rayons du soleil entre leurs croisillons de pierre. Et la façade paraissait toute claire à distance. Vers elle, les statues de nymphes, souillées par les oiseaux, indiquaient le chemin dans les carrefours des allées, au milieu des pièces d’eau que recouvraient les lenticules et les nénuphars sauvages, aux ronds-points des bosquets circulaires, aux angles des taillis que trouaient les sentes. De l’une, Médor accourut la langue pendante et les yeux fous. Il vint aux pieds d’Omer s’allonger en haletant, puis repartit, malgré les caresses et les appels. Alors l’enfant aperçut plusieurs traces sur le sol, une flaque s’élargissant hors de la place où Médor s’assit pour se lécher… c’était du sang. C’était la mort. L’effroi prit Omer, le glaça : ― maman !… il montrait les taches. En lappant sa blessure la langue du chien rougissait. Et sur tout le poil rude, Omer