Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

IV

Avec sa mère, dans le parc rayé de soleil, Omer se promena sous les branches dévêtues par les souffles. Novembre commençait. De suprêmes beaux jours luisaient doucement depuis une semaine. Les feuilles mortes craquaient sous le pas, dans les sentes. Après les avenues de verdure cuivrée, l’étang apparut que ridait la bise. Les roseaux secs s’affaissaient autour. L’enfant contempla sa mère en longs vêtements sombres et qu’entourait aux épaules un shawl de cachemire agité par le vent. Sa chevelure noire emmêlée de gris s’élevait en forme de casque au cimier tordu. Comme pour y revoir des images anciennes, ses yeux indécis, lassés de tristesse, regardaient la joie puérile. Son visage était d’un homme jeune et mélancolique, plutôt que d’une femme. Cette apparence virile surprit Omer qui la constatait pour la première fois. Pourquoi le teint de sa mère brunissait-il ainsi, se piquait-il de grains ? Pourquoi la peau se collait-elle à l’ossature de la face ? Et que cherchait-elle en son fils, la triste veuve ?

― Si tu savais ! ― gémit-elle ; ― mon frère Edme est tombé sous son cheval, qu’un éclat de bombe avait éventré… très loin, au fond de la Russie… Le régiment de ton oncle Augustin a été détruit… Et toute l’armée française revient de là-bas… Que de batailles avant qu’ils arrivent ici ! Edme doit-il souffrir dans la charrette qui le ramène !… Mon dieu !… Et grand-père