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en suis bien sûr, madame… et je vous le souhaite de bon cœur !… là-dessus, l’un et l’autre se turent. Alternativement, Omer les examinait, celle-ci les coudes aux genoux et le visage en avant, des larmes aux billes de ses yeux tenaces ; celui-là dans le fond du fauteuil, l’allure aisée, la main pendante, et le regard malin. Qui des deux avait raison ? La douceur des jupes en velours et la caresse lente de Caroline retenaient Omer entre ses genoux. L’abandonner au milieu de la querelle lui sembla périlleux. Comme punition, ne lui eût-elle pas repris la corvette ? D’autre part, elle retournerait bientôt en Artois ; alors le vieux, s’il conservait de la rancune, infligerait peut-être des leçons très longues et des pénitences sévères ; il confisquerait les bois du petit temple ; il ne prêterait plus les outils en or du maçon. Assurément, c’était un homme terrible, doué de puissance et qui avait prescrit le supplice de bien des gens. Toutes les histoires d’ogres et de loups mangeurs d’enfants affluèrent en souvenirs, parmi ceux des images où du vermillon épars désigne le sang des victimes. Un tel homme ne pourrait-il tuer aussi le filleul récalcitrant ? Omer le craignit et se pressa de courir jusqu’à la vieille main noueuse quand elle lui fut tendue par le bisaïeul debout : ― Omer, allons voir les poules ensemble ! Près d’être quittée, la tante Caroline épousseta sa robe et pleura tout à fait : ― mon dieu, que dirai-je au tuteur de mon neveu, que dirai-je au comte ? Lui écrirai-je donc que cet enfant est dans vos mains pour toujours, et que vous le corrompez par des fables dangereuses, que vous l’appauvrissez pour vos ambitions de fou ? ― s’il vous plaît, madame, écrivez-lui de la sorte ! ― répondit le vieillard, incliné en un salut profond.