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l’impériale, bossuée par les colis en tas sous la bâche ; et la malle qu’on fit glisser le long de l’échelle ; et les gens qui regardaient aux vasistas ; enfin le joli jeune homme du coupé, svelte en son carrick et qui, froissant les ruches de son jabot, contempla maman Virginie. Trois petites filles faisaient des « bouches » sur les vitres, à l’intérieur, puis les effaçaient de leurs mains rouges. On regarda disputer un gros homme dont l’habit bleu dépassait, en dessous, la blouse de serge, dont le bonnet de coton débordait le chapeau de castor, dont le pantalon court flottait à mi-botte. Et l’étranger si drôlement affublé d’un manteau et d’un capuchon, d’un bonnet de drap, de guêtres en toile crottées ; et les poules accourant picorer le crottin vers le timon sans chevaux ! Sous le vaste écu d’or qui décorait l’enseigne de l’auberge, plusieurs dames jasaient en présentant les doigts au réchaud. Des hommes, afin d’allumer leurs pipes, soufflaient sur les braises parmi la cendre d’un pot de cuivre. Les chiens se flairaient entre les roues du véhicule. On amena les cinq chevaux pommelés ; on les attela. Les voyageurs se rassirent. Le conducteur sonna du cor, et toute la machine s’ébranla, traversant la déroute des poules, les abois des chiens, les saluts des palefreniers qui vérifièrent la générosité des pourboires.

Alors seulement Omer remarqua les attentions de la tante Caroline. Elle s’efforçait de lui plaire, inclinait jusqu’à lui son visage, qu’il jugea fort pareil à celui du chat Minos. Elle avait les joues pleines, le nez étroit, rosé, la lèvre supérieure saillante et bourrelée, le menton bref ; et, dans les façons, un air de se vouloir caresser à vous. Quant aux yeux, ils devinaient, ronds et graves, l’âme de l’enfant. Il l’estimait, à la fois, redoutable et amie.

Dans la voiture elle déballa des pains d’épices en forme de cœur, saupoudrés d’anis, que l’on croquait.