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cuiller ?… c’est elle qui t’a donné le beau couvert d’argent, pour ton baptême. Mais oui, c’est elle. Il n’y a pas si longtemps ! Il faudra te montrer bien respectueux envers ta tante… son mari, ce pauvre Cavrois, avait la tutelle de tes biens. Hélas, il est mort aussi ! Maintenant Caroline et le comte de Praxi-blassans gouvernent ton patrimoine : car, ma foi, tu es propriétaire… mais oui, monsieur, tu possèdes une part des moulins Héricourt… la part de ton père ! Tu en partages les revenus avec tante Caroline, l’oncle Augustin, tante Aurélie et le comte, que tu aimes tant !… ah ! Ah ! Dame !… c’est beaucoup de souris pour un seul gâteau… n’importe, Caroline veut, cette fois, te remettre elle-même ton quartier. Elle m’écrit qu’elle désire connaître son neveu, puisque le voilà parvenu à l’âge de raison. Elle pense à nous et à notre chagrin depuis le départ de mon père et de mon frère Edme. Omer espéra le quartier d’une tarte et demanda quelle serait la taille du gâteau. Sa mère le railla. Caroline apportait, non pas un quartier de tarte, mais un quartier de rentes à son pupille qui ne voulut pas en démordre, se figurant mieux la friandise que l’argent. Le matin où l’on fut au relais, pour recevoir la voyageuse, Céline dut faire emplette de la pâtisserie chez le boulanger du village. Le gourmand y trouva moins de plaisir qu’il n’en attendait ; la pâte était lourde et les prunes sèches. Aussi vilaine que la tarte, Caroline ne le surprit guère par la laideur de son gros visage rouge, de sa vieille redingote anglaise bouffant au dos, quand elle descendit le marchepied du coche sans rabattre ses jupes sur une jambe épaisse en bas de laine grise. Omer se laissa froidement baiser les joues. Il y avait tant de bruit, tant de choses curieuses !… la veste du postillon et ses bottes énormes, ― celles de sept lieues sans doute, ― sa queue de cheveux tressée avec des fils d’archal, l’immense voiture, jaune à la caisse, verte à