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Chaque race reprit le patois des ancêtres sauvages. Le peuple de Babel se dispersa. Depuis lors, jamais les nations ne se purent défaire de la haine mutuelle, ni de la guerre ; car les rois et les empereurs les maintinrent dans l’ignorance de ce bien, ignorance qui assurait à chacun des monarques, la suprématie dans leurs royaumes, au lieu d’être seulement les égaux des autres hommes, élus par eux, pour une besogne de justice.

Réciter cela mot à mot, l’enfant n’y put réussir.

— Tu ne veux pas apprendre, petit paresseux, dit le vieillard… apprends toujours. Plus tard, tu comprendras la leçon ; et ton intelligence en recueillera les fruits. Fais-moi plaisir, Omer… Apprends bien ce que je te dis. Je veux que tu continues notre œuvre, celle de tant de siècles ! Nous aussi, nous avons tenté de reconstruire Babel, et pour cela de renverser les tyrans qui séparent les nations. Nous avons entrepris cela, nos pères et nous-mêmes, petit ! Et cela s’est appelé la Révolution française… et c’est pour l’idéal de la Révolution que mourut ton père, petit, en combattant les valets des monarques !… cela ne te persuade point ? Tu ne m’écoutes pas. Tu suis le vol de la mouche, et tu comptes les losanges du parquet, méchant !… ne veux-tu pas m’entendre ? Je t’engage à devenir un homme libre. Je t’affranchis… je t’arrache à l’esclavage des traditions mensongères… Écoute-moi donc, Omer ! Écoute-moi, te dis-je !… tu ne veux pas, sacripant !… m’écouteras-tu enfin !

Et comme Omer s’échappait, la canne l’atteignit aux ongles.

Or, sur la plaque du secrétaire, s’amoncelaient des missives de tous pays. Le bisaïeul nommait leur origine, car il connaissait les villes des Allemagnes, des Hollandes, des Espagnes et des Siciles.

― Voilà, disait-il, un message qui arrive de Ham-