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n’attirât sur lui la fureur du capitaine. Il se recroquevillait en soi, vaguement sûr de voir tout à l’heure s’abattre sur lui la salle, le château, et le temple même d’Hiram, qu’on disait immense comme la terre.

Cependant le général Lyrisse obtenait qu’on refrénât les colères. Il conseilla de penser aux équipages, aux chevaux, aux voitures de campagne et aux harnais indispensables. On partirait bientôt. L’oncle et le bisaïeul se turent un instant. Ils écoutèrent ses chiffres. Puis, les voyant plus calmes, le grand-père ajouta :

― Allez, allez, tout se passera comme d’habitude. Nous nous divertissons à des histoires de sociétés secrètes ; mais nous ne changerons rien au monde. Les peuples aiment les victoires et les empereurs plus que les libertés et les républiques, et Napoléon, qui étonne l’Europe, va la réunir définitivement sous une seule autorité, comme le firent César et Charlemagne avant lui. Vous aurez beau vous ceindre de tabliers en soie dans les loges, et brandir les épées flamboyantes devant les colonnes, vous ne transformerez pas l’âme éternelle des peuples, qui aiment l’esclavage. Le joug de Napoléon leur plaît. Il triomphera par nos armes, puissantes pour le servir, impuissantes à l’ébranler.

Là-dessus, les deux autres se récrièrent et nièrent avec d’épouvantables vociférations. Le bisaïeul se dressa :

― Bonaparte a trahi son serment, que nous avons reçu dans les loges de Valence et de Malte. Le monde maçonnique sera relevé de ses obligations envers lui… Je l’affirme : encore un peu de temps, et les ateliers de toute l’Europe refuseront leur concours aux armées impériales. Bientôt vous heurterez en vain au seuil des temples, en Allemagne, en Autriche, en Pologne. Les aigles éprouveront le vent de la déroute, parce que tous les enfants de la veuve se lèveront contre elles… parce que les prétoriens ont permis à leur maître de renier l’œuvre jacobine… parce que le sang de Jacques