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pote… et proclamé à Madrid la constitution de l’an III. Tous les vieux Jacobins du Midi nous ouvraient les villes. Les loges de Toulouse, de Bordeaux, de Nantes nous appelaient… vous avez anéanti la République…

— Napoléon défend le camp d’Hiram contre les barbares. Il faut qu’il achève son œuvre… Après, l’on verra ! … — répondait le général.

Mais l’oncle Edme agitait ses bras, disant :

— Oui… si les loges obéissaient toutes à vos avis ! Il n’en est rien. En Espagne, depuis deux années, on nous ferme les ateliers du Grand Architecte. Quand nous nous présentons en visiteurs, les experts refusent l’entrée… Le tuileur déclare qu’il pleut dans le Temple. Nous sommes traités en profanes, en séides de la tyrannie… L’état-major anglais reçoit ses renseignements de tous les Frères. Ce sont eux qui firent cerner le général Dupont à Baylen. Wellington put marcher sûrement. Apprentis et compagnons le nomment le libérateur. Nous ne sommes plus les armées de la République, apportant aux intelligences de l’Europe la lumière et la liberté, nous sommes les complices d’un traître que son mariage avec Marie-Louise d’Autriche a fait entrer dans le complot des rois contre les nations ! … Voilà ce que nous sommes, aujourd’hui ; voilà pourquoi nous évacuons l’Espagne, vaincus et honteux, sous les huées des peuples ! …

Le bisaïeul l’apaisait, levant sa vieille main tremblante et molle.

Atroce était la peur d’Omer Héricourt. Tapi dans l’angle de la cheminée, il écoutait ces mots, ces phrases cent fois répétées depuis une heure, sans qu’il les comprît. Il s’efforçait de tout entendre, pour interroger ensuite, méditer, savoir les détails du péril prochain. Un instant, il attendit que le vieil homme dans son fauteuil fût frappé par le dragon d’Espagne, tant celui-ci jetait au ciel ses poings maigres issus de dentelles