Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

corridors, où grinçaient aussi les fourreaux de sabres. Le grand-père endossait fréquemment un habit à plastron d’or ; il sortait devant deux soldats, celui montant la bête rouge, celui montant le gros pommelé.

Quelquefois, le grand-père et l’oncle se montraient vêtus de longues redingotes à brandebourgs. Ils étaient alors d’autres gens. Leurs allures inquiétaient. Sans armes, sans revers de couleur à la poitrine, sans culottes de peau et sans épaulettes, ils semblaient de graves messieurs qui refusaient de se travestir pour jouer. Omer se tenait à l’écart, fort sage. D’ailleurs, il avait bien raison, puisqu’un jour ils se disputèrent, attaquant de gestes et de cris le bisaïeul assis dans le fauteuil à oreillettes. Lui déclamait à vingt reprises :

— J’affirme que le général Oudet et nos frères les Philadelphes n’ont pas été tués par l’ennemi, le soir de Wagram… j’affirme que Napoléon leur a fait transmettre l’ordre de passer les avant-postes, sous prétexte d’une reconnaissance ; j’affirme que cet ordre leur prescrivait d’atteindre le lieu du guet-apens. Les gendarmes de Savary, déguisés en kaiserlicks, les y fusillèrent…

— C’est une calomnie ! — ripostait le général Lyrisse, secouant, à la faire tomber, la pomme ridée de sa petite tête blanche, au bout du long cou. — l’Empereur avait signé, la veille, la promotion d’Oudet au grade de général. Eût-il fait cela, s’il l’eût voulu perdre ?

— Pourquoi pas ? Criait l’oncle Edme, se croisant les bras et avançant une figure rouge et furieuse d’où s’envolaient ses mèches. — Bonaparte, en le nommant d’abord, écartait ainsi les soupçons des braves gens, simples et loyaux, comme vous, incapables de croire aux nécessités d’État !…

— À d’autres, blanc-bec !

— Mais, mon père, tous les états-majors l’ont com-