France dont ils avaient conduit les étendards jusqu’aux frontières de l’Asie. Quelle fin misérable leur était réservée ? Vaincus, ils l’étaient encore plus que le bisaïeul enseveli dans ses paperasses entre les vieux murs du château que délabraient les ouragans de la saison. Et maintenant, Omer pouvait-il conserver l’espoir de porter quelque jour la mitre épiscopale ? Édouard De Praxi-Blassans allait obtenir de son père la protection promise d’abord au frère de sa fiancée. Toute la vie, sans doute, Omer serait un prêtre obscur disant la messe du matin dans une triste et froide église de province, écoutant au confessionnal les stupides aveux des maritornes, des servantes, des boutiquiers et des rustres.
Parmi les exercices de piété, c’était le chemin de la croix qui lui plaisait le mieux. De station en station, il substituait ses malheurs à ceux du Christ ; il s’attristait sur lui-même, qui ne pouvait s’affranchir comme Denise, et qui demeurait le serviteur de la démence maternelle. Un jour, il envia l’audace de cette fille vicieuse, gourmande et colérique, si fière de ses fautes. Il se demandait si ce n’était point la vérité que d’acquérir l’indépendance de ses passions, que de triompher du devoir traditionnel, que de vaincre la Loi, comme les jacobins avaient vaincu le Roi, comme les soldats de la République, du Consulat et de l’Empire même avaient vaincu les monarques de l’Europe ?… Denise avait rompu les fers rivés à son avenir par le vœu du colonel Héricourt. Lui restait l’esclave de la compassion pour sa mère, de l’obéissance. Et il admit que Denise déployât l’énergie qui fait les grandes choses. Au contraire, il se rangeait dans la catégorie des bonnes gens dociles aux volontés des forts. Il abdiquait sa vie volontaire.
Et pourtant ceci se nommait le Bien ; cela se nommait le Mal. Sa faiblesse l’invitait au Bien. Les