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les volants horizontaux de sa robe. Pourtant elle se plaignit avec douceur :

— Mon dieu, avoir choyé, quinze ans, sur mon cœur cette enfant-là… Avoir avidement recherché dans ses yeux jolis le regard fort de mon frère… Avoir cru l’y retrouver, pour… Oh ! C’est trop de peine ! c’est trop de peine !… Que reste-t-il de ma vie alors ?… Dis-moi, Denise, quelle pitié as-tu de moi ?… Tu fus mon enfant à qui j’ai sacrifié mes deux aînés. Ma fille est jalouse de toi, tant je t’aime ! Delphine veut entrer au couvent parce que je la délaisse… Et voici que tu renies tout, tout… la parole sacrée du mort… Et comment peux-tu penser que ta mère consente à cette union ?… Réfléchis…

― Je ne peux pas… Je ne peux pas laisser Augustin partir seul pour l’Espagne. Je m’enfuirai plutôt. Je tenterai toutes les folies… Je ne peux pas… Je ne peux pas faire autrement… Je t’aime, ma tante, mais je l’aime plus que toi, plus que maman, plus que tous… plus que moi-même… C’est ainsi… Et je n’y peux rien… et vous n’y pourrez rien non plus…

La jeune fille dit cela très sûrement, très simplement. Elle écrasa de nouvelles larmes venues aux coins de ses yeux. Une porte se referma : le général avait disparu pour laisser Denise les convaincre sans honte.

― Ma chère maman, ― dit-elle, ― laisse-moi me marier avec mon oncle ! Je te le jure : c’est notre bonheur que tu permettras… Ma chère tante, comment vous plaire si j’épouse Édouard contre mon gré ? Je l’estime assez pour ne pas vouloir qu’il soit malheureux. Ma chère maman, je t’en prie à genoux…, tu vois : je suis à tes genoux ; permets-moi d’épouser Augustin…

― En vérité, je ne le puis pas. Ton père m’a légué un vœu auquel tu dois obéir… Écoute, Denise. Tu es une enfant. Tu ne devines pas qu’une enfant ne saurait se marier à un homme de cet âge. Le succès n’est pas tout…