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que ses paroles nécessitaient de net et d’irréparable. Elle ne répondit rien encore. Elle enferma son âme dans l’impassibilité de son visage verdâtre. Mais elle ne protesta point de son attachement aux idées de leur père, de la tante Aurélie. Le silence fut un aveu. Chacun l’entendit de la sorte, car chacun regarda la comtesse de Praxi-Blassans… à sa place, dans le fauteuil de bois doré et de velours pourpre, il ne restait plus qu’une vieille créature lamentable, dont les joues se fanèrent instantanément, dont les mains s’agitaient au hasard devant ses yeux clos. ― Omer !… Omer, que veux-tu dire ? ― gémit-elle. Puis avec hauteur et indignation, elle avertit : ― prends garde à ce que tu veux dire…, Omer ! Aux derniers mots, le son de cette prière vint comme du fond d’un abîme. Omer ne parla plus. D’ailleurs il pouvait encore se tromper. Muni, depuis le veuvage, d’une fortune considérable, l’oncle Augustin n’était pas obligé de céder à sa convoitise du bien Héricourt. Une taille de jeune homme, une belle figure, une situation glorieuse lui permettaient de vouloir les joies diverses des aventures illicites. Peut-être se souciait-il peu de jouer les rôles byroniens, sa vie durant, pour les émois d’une petite fille que des lectures affolaient et persuadaient de courir, vêtue en page, aux côtés d’un Lara botté, chamarré. Le général s’en fut au bout de la pièce, par discrétion. Il feuilleta des brochures, il déplia des cartes militaires. Un moment il y eut le seul bruit du papier qu’il étendait sur le marbre de la table haussée par des sphinx d’acajou. Denise leva la tête vers son oncle, et le contempla qui déchiffrait avec indifférence, semblait-il, la topographie du pays basque. Alors elle laissa, muette et grave, ruisseler contre ses joues des larmes d’enfant. Aurélie les regarda du fond de son trône où elle gisait