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que répétait le parrain Polichinelle. En vérité, ces dernières phrases lui semblèrent longtemps fort obscures. Exactement, il retenait ceci : un petit garçon, fameux comme le Petit Poucet et comme le petit Jésus, avait enrichi ses parents ruinés en jouant du clavecin de ville en ville, en racontant l’histoire d’Hiram et en élevant des temples que les amateurs de musique l’aidaient à construire. À la suite de quoi, d’effroyables changements étaient advenus qu’on appelait la révolution, et pour lesquels, à l’exemple d’Hiram, son père le colonel Héricourt était mort, tué peut-être par les valets des tyrans, peut-être par d’autres mauvais compagnons.

Cette idée s’affermit tandis qu’avançait l’hiver. On ne pouvait sortir de la maison. Les allées d’eau gelèrent jusqu’à la naïade voilée de glace dans sa grotte. Le chat Minos dormait sous l’éclat rose de l’âtre, aux pieds de la nourrice, qui remuait les vingt bobines de son tambour à broder la dentelle.

Pour sa Picarde, l’enfant éprouva de l’amour attentif, le soir, quand il fallait se tenir sage, pendant l’heure où le parrain, au reçu du volumineux courrier, lisait les missives et les gazettes, les brochures et les livres, après avoir relevé la mèche du quinquet de bronze. Alors le vieillard haussait les épaules, pestait et jurait à voix basse, ou bien discutait avec grand-père Lyrisse, dont le domestique retirait difficilement les grosses bottes à l’écuyère, si le général rentrait de ses inspections aux marchés de la remonte. Céline, la brodeuse, chantonnait tout bas :

Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier,
Que mon amant fidèle
Fût encore à mes pieds…
Lala, lala, lalaire,
Lala, lala, tralala !