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chait à comprendre ce que signifiait cette affectation de délicatesse propre à donner de l’étonnement… Son oncle Augustin lui parut dangereux. Il eût voulu lui redire à mots couverts l’opinion fâcheuse du général Pithouët. Mais le moyen de répondre par des allusions désagréables au parent qui énumérait les richesses mobilières et immobilières de l’héritage, qui prolongeait ses indications sur la manière de gérer les biens, comme s’ils devaient appartenir, sur l’heure, au légataire ?

Le jeune homme s’empêcha mal de souhaiter la mort du testateur. Au cours du dialogue qui suivit le dîner, son imagination aperçut vingt fois le corps du général étendu sur la plaine déserte, à la clarté de la lune, ou bien écroulé parmi les pierres des remparts de Saragosse, ou porté en grand honneur, dans un drapeau, vers la fosse, entre deux haies d’infanterie présentant les armes, tambours voilés. Au retour, dans l’allée des veuves, Omer évoqua ses souvenirs de la guerre atroce qui, de 1809 à 1812, avait dévoré des régiments de héros dans les sierras. À peine se rappela-t-il que son oncle Augustin convoitait la dot de la sœur. Ni les paroles graves, ni les amicales instructions du général n’avaient permis d’entendre qu’il eût ce dessein. Aussi bien ne convenait-il pas que le nom d’Héricourt, représentant la fortune des Moulins, des Charbonnages et de la Banque, prévalût dans la famille ? Il y avait intérêt de race à rendre puissant le nom des aïeux. Praxi-Blassans n’avait jadis conclu son mariage que pour remettre en état ses affaires d’émigré, avec les biens d’Aurélie. Le fils de la tante Cavrois, engraissé par sa gourmandise flamande, ne laissait guère à penser qu’il rehaussât d’un grand prestige les traditions des ancêtres. Ce n’était point tout que de posséder le domaine d’Artois, il fallait l’ennoblir par la gloire. Le colonel Bernard Héricourt, le général Augustin Héricourt avaient, pour cela,