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tait de découvrir d’aussi belles chairs sous les vêtements de l’inconnue, elle lui sourit, puis tressaillit, et, de nouveau, regarda autour d’elle avec inquiétude. Pourquoi pensa-t-il subitement qu’elle cherchait ainsi la présence attendue d’un mouchard ? Il en fut certain. Il la crut employée par la police afin d’attirer à ses trousses, sur les marches du Palais de Justice, en feignant des opinions libérales, les gens simples et avides de volupté. On contait partout que ces sortes de sirènes obtenaient les confidences d’amants trop naïfs. Fouché, duc d’Otrante, en avait salarié un grand nombre qui le renseignèrent et lui permirent de traiter à point avec les alliés en 1815, d’entraver les complots des Brigands de la Loire. Par l’une d’elles, le jeune général Labédoyère n’avait-il pas été dénoncé, perdu ? Vivement, Omer se rappela ce qu’il avait dit à cette belle personne, dont le visage changeait, si mobile, ainsi que pour de nombreux déguisements. Son imprudence poussée aux dernières limites le fit blémir. Il ne voulut que s’écarter de la dangereuse tentatrice.

― Je dois me retirer ! ― balbutia-t-il.

Aussitôt il ajouta :

― Ne vous reverrai-je pas ? Quel est votre nom ?

― Mes amis m’appellent Aquilina… Demain encore, j’essaierai de parvenir à la salle d’audience où l’on juge ces infortunés. Si vous venez là-bas, nous tâcherons de forcer ensemble la consigne…

D’un signe, il promit de se rendre au Palais de Justice, avant l’heure dite, et s’en fut tout vibrant de douleur.