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étroite, ces souples mouvements, et le parfum de cette chair brune, un peu rustique. Il perdit le sang-froid. Ébloui, étourdi, gauche, stupide, esclave d’une ivresse nerveuse, il se réfugia dans le rôle d’un lecteur venu là pour l’acquisition de volumes. Il énuméra des titres au vendeur ; il ajouta celui demandé par l’inconnue, en sorte qu’elle sût pressentir, à son gré, une intention ou une coïncidence. Quelques secondes, le marchand se fit attendre. Elle feuilletait indifféremment le Solitaire du vicomte d’Arlincourt. Omer pensa qu’elle le devait prendre pour un godiche, et il se hasarda jusqu’à dire, en tremblant d’être rabroué, et en s’adressant au réflecteur du quinquet pendu là :

― On attendrait moins longtemps une histoire romanesque qu’un livre de pensées. La première est toujours sous la main d’un bon libraire, à ce que je vois.

La jeune dame sourit un peu, comme par approbation, et elle entr’ouvrit l’ouvrage de Nodier : Trilby ou le Lutin d’Argail. À ce moment, elle sembla satisfaite de se voir courtisée. Omer reprit tout l’aplomb enseigné par le capitaine Lyrisse dans les champs de l’Artois.

― Quand on a vu le palais de justice, aujourd’hui, cela vous donne l’envie de lire les pamphlétaires… Si beaucoup de personnes nous imitent, Sa Majesté perdra quelques sujets loyaux… Eh bien, voilà ces volumes, enfin ! Craignez-vous donc des perquisitions de la censure, la confiscation et l’interdit, pour les cacher au fond de votre boutique ?

― Monsieur, ― répondit l’employé, ― on dit que M. de Chabrol a donné des ordres en ce sens.

― Alors, madame, fuyons vite avec notre trésor ! conseilla-t-il en saluant.

Là-dessus, il put mieux s’approcher d’elle, qui ne recula guère. Telle une jeune Cybèle de mythologie, habillée à la mode de Tivoli par une métamorphose