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et les chameaux d’Éliézer semblables à ceux d’une gravure qui ornait une page de l’Histoire Sainte. Salomon portait la longue barbe blanche du bon Dieu, il étendait aussi des mains bénissantes ; Hiram était vêtu de la robe écarlate et du manteau brun que saint Joseph avait étrenné dans la crèche du plus récent Noël, à l’église du village. Les maîtres et les apprentis des maçons, Omer les voyait pareils aux couvreurs qui réparaient naguère la toiture du château. Gens aux courtes vestes de ratine, aux pantalons tachés de suie, ils s’accroupissaient au faîte du Temple ; d’ailleurs, l’enfant ne s’arrêtait guère à l’évocation de ces vils comparses. Hiram leur commandait de gravir les échelles. Ils le saluaient profondément, soigneux de tenir à la main leurs casquettes plates en velours. Les trois mauvais compagnons étaient : l’un, cet escogriffe d’Arlequin au visage masqué de noir ; l’autre, ce géant d’Ogre chaussé des bottes légendaires ; le troisième, Polichinelle ; car Omer se demandait si le bisaïeul n’avait point assisté lui-même à toute l’affaire… Il la contait trop chaleureusement ; il modifiait trop facilement sa voix, selon la parole de Salomon, celle d’Hiram, celles des mauvais compagnons. Certes le vieux les avait entendus… Et sa canne ! Il savait la tenir droite sur son genou comme le sceptre du roi ; ou bien il mesurait les largeurs du Temple dans l’air, comme avec la coudée d’Hiram ; ou bien il menaçait, terrible, en la brandissant, comme les mauvais compagnons avaient dû brandir la règle, l’équerre et le marteau sur le front du sage architecte.

Et quelle tragique histoire ! Omer apercevait Hiram majestueux dans sa lourde robe écarlate, arrivant du sanctuaire pour clore les portes du Temple. Mais le premier des compagnons maudits se dresse contre lui et réclame le mot de passe, le mot du maître, qui lui vaudra une augmentation de salaire, quand il le pro-