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me semble que je me connais aujourd’hui, comme il doit se connaître…

« Que décider de ma conduite à son égard ? Nous voici face à face. Je peux, en m’opposant à ses desseins encourir sa colère ; je peux, en les secondant, obtenir son appui… Mais ce mariage ruinera mon avenir ecclésiastique. Et puis, me mettre en sa main ! Quelle imprudence, s’il gouverne, par là, toute la Compagnie Héricourt !… Mais, si je le contredis, il me brisera. Et il compte ma sœur pour alliée… Faut-il me donner aux Praxi-Blassans ?… Qui triomphera ? ― Dieu ! ― Oui, Dieu : ce qu’on ignore des causes… M’en remettre à Dieu, comme un prêtre résigné ? Oh ! Non. Il faut m’élever au-dessus du général, au-dessus. La magnificence de Dieu ne peut être servie que par un maître souverain à son exemple. Il faut être son reflet ou rien…

« Pourquoi pas rien ? Pourquoi pas un personnage obscur, sensuel, ironique en lui-même ? Pourquoi pas le vaincu ? Pourquoi pas un sourire de malice dans la pénombre ?… Satan ! alors ? Le déchu ? Oh ! non. Ça me fait peur… Ça me fait peur. Sait-on ? Il y a peut-être l’enfer. Il y a peut-être le ciel… Je viens d’être tenté par le Malin, Seigneur !… Sainte Vierge, protégez-moi ! Un sourire de malice dans la pénombre… Quelle singulière image ! Je frissonne. Ce sourire, il me semble que je le vois…

« Les arbres du quai… La potence recourbée du réverbère ; les livres du bouquiniste qui plaisante en piétinant le pavé de ses vieilles bottes à revers… Ce misérable savant aux jambes étiques dans des bas rayés… Voici la marchande de couvre-chefs qui s’avance une casquette d’homme sur la tête, et aux bras deux paniers pleins de casquettes différentes… Voici la marchande d’oublies qui agite sa crécelle… ce lancier est vraiment bel homme sur son cheval alezan…

« Un sourire de malice dans la pénombre… Non…