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— Vous étiez alors, mon général, les fils ou les frères de ces jacobins qui ébranlaient le monde. Vous étiez forts. J’ai grandi parmi le deuil, les morts et les désastres. Cela me fit une âme tremblante. Je n’ose rien.

Le vieux soldat hochait la tête. De long en large, il marchait par l’obscurité de la pièce, que décoraient deux merveilleux tableaux représentant des scènes monastiques, et un superbe buste antique de Trajan sur une gaine de bois marbré.

― Vous venez, jeune homme, dit-il, de prononcer une parole remarquable, trop remarquable pour votre âge, malheureusement. Vous êtes, à ce que je vois, un petit vieillard très réfléchi, un digne élève pleurnicheur de la poésie nouvelle et de M. de Lamartine, garde du corps. N’importe !… Vous rencontrerez bientôt dans les environs de la Sorbonne des étudiants que la défaite de la Révolution n’a point dissuadés de la servir. Ces étudiants-là sont moins prudents que vous, Monsieur Héricourt. Ils se font tuer comme Lallemand pour défendre, contre les injures des chouans, le marquis de Chauvelin qui sauvegarde les principes de la Charte ! C’est dans leurs rangs que j’espère vous voir un jour. Alors nous reparlerons ensemble de votre père, de la République, et même de l’Empereur…

La voix du général s’enflait et résonnait dans la pièce au plafond bas. Il parut un acteur, hors de son cadre, et qui cherchait à faire impression. La vanité d’Omer se rebiffa.

― Je n’eus pas le bonheur de recevoir l’éducation d’un seul principe. Leurs opinions divisent mes parents. Il y a celle des Lyrisse que j’admire, puis celle de ma mère, du comte de Praxi-Blassans, mon tuteur, et du général Héricourt…

― Oh ! du moment que le général Héricourt prêche une doctrine, ne doutez pas que c’est la meilleure pour