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sûrement à s’employer dans les ambassades… Quelle destinée ! La moindre altesse vous humilie d’après les prescriptions de l’étiquette… Le comte lui-même, qu’a-t-il été, toute sa vie ? Le domestique du prince de Bénévent, avant de voyager avec la valise de M. De Montmorency !…

― Holà, ma sœur, deviendrais-tu jacobine, ou jacoquine, comme disait notre pauvre tante Malvina ?

― Je n’entends pas, du moins, essuyer les affronts que vous infligent les gens de cour. Tu as vu les manières du cardinal dans les salons, et comment notre tante lui dut céder le pas. Moi, j’enrageais.

― Il te fut aimable, cependant.

― La belle affaire ! Il n’est pas de porteur d’eau qui ne crie devant ma voiture : « Mafi ! le beau brin de fille !… » Cela n’est pas pour m’amadouer… J’ai trop d’honneur pour me contenter de compliments que n’importe quel passant adresse à n’importe quelle grisette… Il n’y a qu’une existence que j’envie, dans toute la famille : celle de la tante Malvina.

― Oh !

― Certes !… Elle eut pour mari un héros qu’elle suivit en chaise de poste à travers tous les champs de bataille. Elle le vit entrer triomphant à Vienne, avec l’état-major du maréchal Oudinot. Les femmes lui jetaient des fleurs par les fenêtres ! Ses soldats l’acclamaient. Le courage même de ces braves saluait son courage… Quelle grandeur ! Quelle ivresse ! Quel moment inoubliable ! On peut mourir après ça. On a tout connu du bonheur quand le vainqueur est venu mettre à vos genoux ses lauriers et son épée.

Elle persista sur ce ton. D’abord stupide, Omer bientôt trembla de douleur. Denise choisissait l’oncle Augustin à la place d’Édouard. Elle dénonçait le vœu du colonel Héricourt et de la tante Aurélie, au moment précis où elle venait de lui en faire entendre la beauté