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comme son cœur et sa poitrine oppressés. Édouard fougueux, pâle dans ses boucles brunes, beau par l’amertume de son sourire, Denise, la Denise des fêtes, enfantine et femme à la fois, de taille élégante et de teint lumineux, se baisant les lèvres devant la tante et le père assis, qui goûtaient le trouble même des fiancés, qui unissaient leurs âmes en ces deux corps engendrés de leurs chairs, ce fut une image touchante et splendide dont ne se lassa point le silence d’Omer. Il lui parut qu’en ses organes l’esprit de son père s’enivrait de ce songe, et se substituait au fils, frémissait en lui.

Plus tard, Denise reprit gravement :

― Voilà le rêve des morts.

― Celui des vivants aussi.

― Moins que tu ne le penses.

― Voudrais-tu manquer à ta promesse ?

― Édouard ne ressemble pas aux héros comme notre père…

― Il possède l’intelligence active du comte.

― Présentement, c’est encore un collégien qui fait des devoirs en vers, et me prend pour sujet de ses compositions… Sans doute, il changera… Je goûte peu les acteurs, les poètes, les baladins, les troubadours de pendules, moi !

― Peste ! tu es difficile !…

― Comment la fille du colonel Héricourt pourrait-elle chérir les gens de cette sorte ?… Réfléchis… J’adore la gloire. Elle est dans notre sang. Quand passent les musiques des régiments, tout mon cœur tressaille…

― Fais un signe : Édouard prendra l’épaulette, comme son frère.

― L’épaulette n’est rien sans les exploits…

― Il ne peut guère, à dix-huit ans, avoir conquis l’Europe ! Patience !

― D’abord le comte est inflexible : il l’obligera