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— Je vois, mon frère, que tu le connais à peine… le loyal gentilhomme !

― Il te comble de bienfaits depuis quinze ans.

― Lui ?… Non pas. Ma tante. Oui !… Parce qu’elle prolonge un rêve de femme sensible…

― Que veux-tu dire ?

― Oh ! rien… rien que tu ne saches…

Elle regarda fixement son mouchoir mouillé qu’elle tenait entre ses doigts fébriles.

Elle s’expliqua clairement, à voix rapide. Mariés, l’un à une femme indolente, dévote, résignée, de nature trop contraire à son action, l’autre à un époux dédaigneux, toujours en voyages, ou qui, présent, se confinait dans ses études diplomatiques à moins qu’il n’en sortît pour répandre sur chacun des blâmes criards, pour ennuyer du récit de ses lectures, leur père, leur tante s’étaient chéris. La jeune fille démontra que la tendresse d’Aurélie et le simple héroïsme de Bernard Héricourt avaient trouvé dans leur affection fraternelle le refuge de sentiments incompris. Alors ils avaient espéré, pour leur vieillesse, que les deux enfants, nés presque à la même date, vécussent un amour plus fort qu’ils n’avaient pu connaître. Denise devinait tout. Elle rapprochait mille incidents survenus au cours de son enfance. Rien n’avait échappé à l’espionnage peut-être innocent, peut-être habile de la petite observatrice. Elle développa ce qui dans le langage triste de la tante n’était qu’allusions timides, que réticences. Omer ne put nier l’évidence. Il en ressentit une émotion profonde. Que de beautés douloureuses dans ce dévouement mutuel, dans cette sympathie complète ! Il fallait entièrement admirer ce désir de voir s’aimer passionnément la fille et le fils. Que le père, une heure du moins, soulevât la pierre du tombeau pour assister aux fiançailles ! Omer le souhaita par toute la force d’une prière mentale qui pantela