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— Je ne veux pas recevoir d’observations, moi ! Je ne recevrai d’observations de personne ! cria Denise.

Le petit chien effaré soulagea sa colique en un coin. Elle ne fit qu’en rire aux éclats, tandis que Delphine, levée de table, déclarait ne pouvoir prendre ses repas devant un spectacle aussi dégoûtant.

― Tu n’as qu’à sortir si ça te déplaît ! ― riposta la sœur d’Omer.

Delphine se soumit, maugréa, comme le laquais grognon qui vint, avec une serviette, étancher l’immondice.

― Penses-tu que cela charme tes convives quand tu seras maîtresse de maison ? ― demanda la tante Aurélie.

― Voyons, mère, ne la tourmentez pas ! ― reprit Édouard. Denise a le cœur trop sensible ; elle ne peut laisser seule cette pauvre bête qui geint à fendre l’âme dès qu’on l’enferme !

― Si le comte était là, cependant…

― Parbleu, puisqu’il n’y est point, ayons la paix ! ― conclut-il sur un ton furieux.

Tante Aurélie baissa la tête, murmura :

― Je devrais te réprimander sévèrement. Vous abusez l’un et l’autre de ma faiblesse. Fi donc !

La tante se détourna, contempla le crépuscule du parc. Filtré par les feuillages desséchés des tilleuls, le soleil frappait d’une lumière oblique les ombres de la pelouse étendue jusqu’à la grille. Des vapeurs d’or poudroyaient autour des barreaux, franchissaient leurs intervalles, illuminaient les grands rinceaux de fer, les herses hérissées du saut-de-loup. Une avenue enclose de peupliers géants était droite et fraîche sous un ciel pers. Des rectangles de géraniums rouges ornaient les boulingrins ; ils atteignaient, là-bas, les eaux miroitantes de l’étang. Omer aussi regarda voguer les cygnes, pour ne point voir sa sœur cueillir sans ver-