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jugeait et le haïssait, qu’elle ne pardonnait pas tant de clairvoyance.

Malgré les changements dus à sa nouvelle vie, la mémoire d’Omer conserva l’obsession précise de ces querelles pendant les cinq premières journées où, reclus avec les livres, il lui fallut parcourir dans un examen rapide les matières exigibles au baccalauréat, sous la férule d’un précepteur jésuite. Le général établit quelques prescriptions sévères, pour que l’étudiant ne s’amusât point avant de posséder les éléments de la logique et des mathématiques. Deux courtes promenades le long des quais, en compagnie du Père, furent, après le repas de midi et après souper, les seuls repos. Ce maître avait l’esprit d’obstination. Devant le tableau noir, il retenait son disciple de l’aube à la nuit, sans miséricorde. Dès le matin, le général proposait lui-même quelques problèmes, avant de se rendre aux bureaux de l’état-major, aux casernes, au Champ de Mars. Sa politesse était charmante et raffinée, sa rigueur inflexible.

― Pardonnez-moi si je vous harcèle, mon cher enfant. Pour mon bien autant que pour le vôtre, vous devez être inscrit en novembre sur les registres de la Faculté de théologie. Excusez-moi, car M. De Frayssinous y compte… Je pense inutile que vous alliez aujourd’hui à la promenade. Le temps se brouille, la chaleur est incommode. Demeurez donc. Vous avez besoin de fortifier votre connaissance de la philosophie.

Et, plaisantant, il prononçait d’une voix militaire :

― Ordre du général Héricourt !… Le lieutenant Omer prendra le service de garde, ce matin, et ne le quittera point jusqu’à nouvel ordre. Il fera exécuter aux troupes sous ses ordres des mouvements d’équations à deux inconnues, et les exercera dans la pratique du syllogisme en baralipton…

Puis il riait, saluait et s’esquivait élégamment.