Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une simple affaire commerciale qui me retient au delà des Pyrénées. Pompée cède le pas à Verrès.

« Au surplus, je puis te dire, à toi seul, que ta mère m’agace à l’excès en répétant vingt fois le jour qu’il sera convenable de rendre les biens nationaux aux prêtres et aux émigrés, que notre château, acheté comme tel, doit revenir justement à la famille de Bellemont, héritière française du nom de Lorraine avec les Habsbourg d’Autriche. Apparemment, ces gens-là font travailler ma pauvre folle de fille par les missionnaires qui embarrassent Nancy de leurs processions et de leurs fanfares, qui vont planter à tout coin de route des calvaires, et qui intriguent pour obtenir le château dans la seule fin d’y installer un couvent, à ce qu’ils disent, mais qui le revendraient, sous bénéfice, à MM. De Bellemont-Lorraine. Ces sortes de spéculations sont ordinaires aux révérends Pères. Je résiste. C’est le seul patrimoine de mes deux Omer, l’enfant d’Austerlitz et l’enfant de Novare. Assez de sang généreux fut répandu par les Lyrisse, soit aux Indes, soit sur les champs de bataille d’Europe, pour consacrer la légitimité de nos achats. Les ducs de Guise, qui bâtirent avec l’argent de leurs butins, n’avaient pas acquis le domaine plus noblement. À vous deux, mes petits-fils, de juger, plus tard, si votre conscience commande ce transfert. Mon père et moi, tant que nous vivrons, et tant que nos testaments seront respectés, ne permettrons pas qu’on aliène le champ de Cincinnatus. Mais à notre âge, il est dur de compter la discorde parmi ses dieux lares ; ma fille devient la chipie la plus acariâtre qu’on puisse ouïr.

« Et puis, je n’ai point de grâces à rendre aux Bourbons, qui m’ont fendu l’oreille, privé de mes commandements, après m’avoir fait courir de camp en camp, cinq ou six années, jusqu’à ce que j’eusse formé leurs jeunes officiers de remonte et les eusse mis en