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— C’est l’image d’une fille bavaroise que ton père aima, dans une aventure de guerre, plusieurs années avant son mariage.

― Denise lui ressemble singulièrement.

― Denise a les yeux de sa mère, qui fut choisie peut-être pour son regard pareil à celui de l’étrangère… Ne dis jamais à Virginie, du moins, que je t’ai confié cela !

Étonné, le fils promit. Tante Aurélie demeura sans parler quelques minutes. Par vénération pour la mémoire du colonel, il n’osa l’interroger. Vouloir connaître les faiblesses du défunt, cela lui parut outrager le tombeau. La comtesse le regarda, et, par le langage de ses yeux tendres, de ses soupirs, lui fit un récit muet qu’il comprit mal. À ce moment, il remarqua le René de Chateaubriand sur un précieux guéridon incrusté de malachite, d’onyx, de jade et de lapis-lazuli, fragments polis, bien ajustés. Dans la reliure de maroquin vert, à titre d’argent, le volume, plein de signets divers par les couleurs, reposait proche le sofa recouvert de coussins jaunes, où la dame avait coutume, disait-elle, de s’étendre. Omer ignorait le texte de l’œuvre célèbre, mais Édouard lui en avait appris le sujet : l’amour fatal d’un frère et d’une sœur. Le fils chassa cette pensée. Certainement il ne devinait rien d’exact. La comtesse exhala quelques soupirs douloureux et rompit le silence. Elle pria son neveu d’admirer une sépia. Toute petite, Delphine y paraissait sous la forme d’un angelot joufflu, entre deux ailes à la gouache… Mais alors, un domestique frappa :

― M. Le comte prie monsieur de se rendre auprès de lui.

Et la tante Aurélie se retira pour laisser le jeune homme à sa toilette. Omer appréhenda que Denise l’eût calomnié. Quelles réprimandes colériques allaient remplir cette entrevue ? Il se roidit en sa loyauté. Il affir-