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sèrent enfin. Il s’endormit dans la fièvre de rêves confus.

Au réveil, derrière la camériste qui déposa le déjeuner sur un guéridon et s’en fut, la tante Aurélie entrait dans la chambre. Elle s’assit :

― Enfin je t’ai près de moi. Tu restes à Paris. Dieu soit loué !…

Elle trancha les citrons qu’on avait apportés pour elle, et, commentant la fête de la veille, elle comprimait les zestes du même mouvement qu’il lui avait toujours connu : elle arrondissait les bras, elle relevait les doigts auriculaires tout arqués au-dessus de la tasse d’argent pleine de laitage et d’œufs battus.

― Il y a vingt ans, ton père, ici, me racontait ses espérances. Voilà ses deux pistolets de hussard pendus encore aux côtés de la gravure. J’entends sa voix lorsque tu parles ; et comme lui, tu fais la lippe avec ta lèvre inférieure si tu n’es pas content… Embrasse-moi,… mon petit Omer !… Quel malheur que je n’aie plus l’uniforme de hussard ! Je suis sûre qu’il s’ajusterait à ta belle taille…

Au milieu du visage fané par la quarantaine, et légèrement ridé vers les tempes, vers les coins de la bouche pâle, de charmants yeux tendres guettaient Omer. Elle demeurait fluette, gracieuse, en agitant de ses gestes le canezou de satin vert à nœuds cerise, et les manches de malines. Parfois, elle ordonnait les rouleaux de ses cheveux pailletés d’argent, avec une main de fillette.

― Si, si, tu demeureras, ― reprit-elle. ― L’examen ?… La belle affaire !… J’en toucherai deux mots au Père Ronsin. Il doit recommander Édouard à la Sorbonne. Pour un élève en théologie, pour mon neveu, il ne fera pas moins. Vous serez admis ensemble. Travaille bien, seulement, ces deux mois ; et si le