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quitté la galerie, parmi les groupes descendus au jardin qu’on illuminait. Omer suivit une robe écossaise enguirlandée de roses, barrée de rouleaux en satin blanc, piquée de choux incarnadins. Des galants, brodés d’or et de soie violette à l’habit, rivalisaient au son des madrigaux. On s’arrêta devant un donjon de bronze où tournaient les heures d’une petite pendule ; au pied, sur l’assise de rocs, un page rêvait, le menton dans sa main. ― quelle poésie ! ― s’écria la dame aux choux incarnadins. ― quel pittoresque ! Ne lit-on pas au front de ce bel enfant ses pensées les plus secrètes ? ― à quoi estimez-vous qu’il songe, marquis ? ― il met en balance le devoir qui l’appelle à servir son roi, et la passion qui le retient aux pieds de sa châtelaine. Le devoir et la passion luttent dans son cœur. Le devoir triomphera, parce que l’enfant est noble et français… c’est l’histoire de toute la vie : aussi l’artisan de cet objet sait-il nous émouvoir. Tous nos sentiments sacrés se réveillent en nous, les sentiments de nos aïeux, ceux qui fondent la race sur ces deux assises : les devoirs envers le roi, et la galanterie envers les dames, par le moyen de qui la providence allège les douleurs humaines… l’ambition d’Omer, un instant, souhaita d’être ce page de bronze. On descendit les vingt-cinq marches de l’escalier, entre les balustres de pierre, les hauts vases de fonte. Dans les falbalas de feuilles lourdes, mille feux semblaient de gros fruits suspendus aux branches des marronniers. La gerbe du bassin retombait en étincelles, par-dessus les lampions multicolores et flottant à la surface. Quatre ifs flamboyaient aux quatre faces du bord rectangulaire. Le murmure des invités s’unit au bruissement des pas qui foulaient le