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semblait celle d’un crâne ; une pâleur verdâtre abîma le visage de l’adolescent amoureux.

― Quel superbe cadeau d’oncle à nièce, de père à fille ! s’empressa de dire Omer, pour calmer cette peine affreuse. Je connaissais peu mon oncle Augustin. Son esprit est excellent. Il tient la promesse faite à notre père : c’est bien naturel ; mais il aurait pu y mettre moins de générosité.

― Il aime l’ostentation, ― répondit Édouard qui reprenait difficilement haleine ; et je n’approuve pas qu’une jeune fille porte de pareils bijoux.

Denise revint enchantée :

― Vois, Édouard, combien cela me sied. Voilà qui va m’aider à tenir notre rang auprès du monde. Fi ! la longue mine ! Réjouissez-vous donc. Allez-vous blâmer mon plaisir ?… N’ayez crainte, je ne les mettrai point avant que d’être mariée, sauf pour ce soir… Approchez. Donnez votre main. Touchez-là, monsieur. Vous tremblez ? Ma nouvelle richesse vous étonne-t-elle à ce point ? Remerciez Dieu de me voir si plaisante, alors !… Je suis un don de la Providence… Priez afin que je ne disparaisse point à la façon des saintes qui ne font que luire une seconde dans la cellule des bienheureux…

Et de continuer la plaisanterie. Édouard raffermit sa contenance ; il lui servit à propos quelques ripostes. Le général observait leur manège. Soudain Denise le rappela poliment et lui demanda s’il recevait des nouvelles de ses commerces à Java. Des établissements lointains, en colonies hollandaises, constituaient le legs de l’épouse défunte. Veuve de leur fondateur puis remariée avec Augustin, elle en avait confié la régie aux Héricourt de Dunkerque, armateurs et corsaires. Ceux-ci avaient été pris sur l’Océan par les Anglais avec leur corvette la Belle Ariadne. Mais la frégate où ils étaient captifs, pourchassée par deux navires français, dut fuir d’escale en escale jusqu’à Surate. Là les prisonniers