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heureux des mortels. Tous les avantages que donne la gloire d’un haut commandement militaire, tous ceux qu’obtient la réputation d’un ministre en faveur, les évêques en profitaient sans connaître les fatigues effroyables de la guerre, ni les craintes perpétuelles de déchéance politique. Il leur suffisait de traduire Horace en vers blancs, et de le mettre en action. Le général décrivit quelle curieuse petite maison, aménagée pour les joies sensuelles il avait découverte, durant la campagne de Wagram, dans le parc d’un chanoine, en Bohême.

Écoutant ces récits, Omer retrouva les plaisirs mêmes que lui avait appris le capitaine Lyrisse. Plus de distinction véritable et plus de finesse paraient le langage maintenu au ton discret de l’aveu. La camaraderie de l’oncle Augustin initiait à tout autre chose qu’à l’enthousiasme furieux du demi-solde. On y sentait une manière supérieure de juger les vertus des hommes et leurs vices, non pas comme le censeur qui condamne brutalement ou bien approuve bruyamment, mais comme le spectateur perspicace des obligations qu’imposent à chacun ses instincts passionnés, ses orgueils ambitieux, ses intérêts chers. Le capitaine voyait la vie comme une page nettement divisée en deux colonnes, l’une renfermant tout le beau, l’autre tout le laid. Le général y apercevait mille divisions et subdivisions teintées différemment, dont les limites se mêlaient comme celles des zones colorées de l’arc-en-ciel. En chaque vice, il signalait une énergie louable ; en chaque vertu, une défaillance nécessaire et fâcheuse ; puis souriait de l’un et de l’autre, drôlement. L’arrogance du comte lui était étrangère. Il s’en moqua d’ailleurs comme d’une naïveté, puis la vanta comme un moyen de contraindre la sottise des petites gens au respect du savoir et de la puissance, sans lesquels ils iraient aux délires révolutionnaires, à l’anarchie et à