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Talleyrand nous a trahis. Il abusait Alexandre en ménageant aux bourbons un retour impromptu… fallait-il mettre la France à feu et à sang ? Les maux de la guerre étaient immenses déjà… mais, quand Napoléon eut débarqué de l’île d’Elbe, nous revînmes à lui. Le monarque imposé par les forces étrangères n’avait point tenu les promesses de la charte libérale. Nous étions dégagés par là de notre parole… Waterloo fut la fin d’un duel entre les deux principes. Le vaincu doit se soumettre. Si on l’observe, la charte, en somme, consacre les principales libertés acquises aux droits de l’homme… nous savons, le comte et moi, que vous possédez, à près de seize ans, une sensibilité vive et des dispositions pour méditer… ne gâchez pas votre esprit dans des luttes inutiles où vous êtes assuré de vous perdre, comme ce pauvre Edme Lyrisse dont nous avons eu tant de peine à protéger la fuite.., à sauver la tête. Il faut apprendre à se résigner aux faits voyez-vous, mon cher : c’est tout simplement puéril de combattre la réalité. Seul, le chien enragé mord du fer. La nation s’accoutume à la royauté. Voilà le certain. La puissance vous appartiendra si vous ne contrariez pas l’assentiment général. Qu’importe la houlette dont se sert le berger pour conduire le troupeau ? Le principal est de conduire le troupeau. L’oncle Augustin frappa l’épaule de son neveu en riant. De la cimaise au plafond une glace reflétait le veuf : les cheveux grisonnants ne vieillissaient point son visage mince, roide, un peu hâlé par les soleils et les pluies des étapes, tout éclairci par les yeux petits et profonds sous l’arcade sourcilière. Il se tenait fort droit, les jambes unies, une main à la dragonne de son épée ; l’autre se plut à flatter l’épaule d’Omer, qui commençait de croire à la bonhomie philosophique du général. ― allez, allez, mon enfant, ― répétait l’oncle Augustin, ― la multitude ne vaut rien. Sans chefs, la masse