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baisa cérémonieusement la main de sa nièce, et cette attention de galanterie, au centre d’un groupe nombreux, la fit rougir, comblée d’orgueil.

― Je vois, ma nièce, après l’avoir entendu dire partout, que « vous soutenez aisément l’honneur du nom !… » assura-t-il sur un ton mi-plaisant et mi-sérieux.

Ensuite il posa la main sur l’épaule d’Omer, qu’il avait à peine revu deux ou trois fois depuis la première communion, et l’entraîna dans une pièce à l’écart, lui parla gravement de son chagrin : la mort de sa femme, cette belle Malvina, si brusquement disparue.

― Je considère comme un devoir essentiel de vous continuer l’affection qu’elle vous portait ; et soyez sûr, mon cher neveu, que je n’y faillirai pas. J’ai promis à votre père mourant de servir votre destinée, comme celle de votre sœur : une promesse faite sous les feux des canons ennemis ne s’oublie pas. Je vous le prouverai… J’aime votre air et votre allure. Ne vous embarrassez pas trop de ce que nous vous exhortons à souffrir la tonsure, le comte et moi. Quelques années vous séparent de la résolution définitive. On verra bien à ce moment-là. Le mieux est de ne contrecarrer personne, en évitant de vous rebeller à l’avance. Venez chez moi je vous prêterai des livres, ceux de la générale… Le capitaine Lyrisse a dû me desservir auprès de vous ; j’aimerais dissiper d’abord le malentendu… Sachez qu’en 1814 nous ne passâmes point à l’ennemi. C’est une atroce calomnie. En quittant, derrière les troupes de Marmont, le camp d’Essonnes, nous pensions nous réunir autour de Bernadotte, puisque nous n’avions pu le faire autour de Malet, ni de Moreau que nos amis politiques et les chefs de nos associations militaires recommandaient… Je vous expliquerai cela plus en détail… Nous obéissions à des ordres respectables. Il n’y eut là ni vilenie, ni trahison. On nous a trompés…