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II

Au château de Lorraine, le mystère, c’était, pour Omer Héricourt, son parrain si vieux qu’on le disait même père du grand-père Lyrisse, ce soldat doré, aux favoris gris.

L’ancêtre jabotait seul au fond d’un haut fauteuil pourvu d’oreillettes. Les flocons de boucles blanches couvraient d’une neige mouvante les épaules de sa redingote spacieuse. Ses rides bien rasées dans un gros visage enfantin se crispaient fréquemment pour une grimace de malice. Verts et rouges, des perroquets, des palmes historiaient la moire du gilet sur les replis du ventre. Hors du jabot très ouvert, de vieilles peaux, rouges et plissées comme celles des dindons, allaient, venaient, du menton à la poitrine. Le bisaïeul tapotait avec la canne les guêtres d’épais drap bleu boursouflées autour de ses jambes ; et, de ses narines énormes, un liquide noirci dégouttait dans la poudre de tabac qu’il essuyait aux ramages de son foulard.

L’enfant vénérait un si grand âge parce que tous les parents le respectaient aussi. Devant le bisaïeul, il fallait toujours prendre soin d’ôter sa casquette à gland, et de la tenir proprement par la visière, de ne point mettre les mains aux poches de sa veste, ni laisser les bas glisser sur les talons, même quand s’était défait le bouton de la culotte, à la hauteur du genou. L’enfant observait ces règles minutieuses. Le vieillard l’appelait