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quèrent point de pousser à ce sentiment, et commencèrent de tresser ce « lien de la vertu », qui leur associa tant d’honnêtes personnes en haine de la tyrannie imposée à l’Europe. Mieux encore : le mariage de Napoléon avec la nièce de Louis XVI a lieu le 2 avril 1810 ; le 2 août, nous forçons le franc-maçon Charles XIII de Suède à adopter pour prince royal notre philadelphe Bernadotte. Nous posions notre roi sur l’échiquier politique. Auparavant, les loges espagnoles avaient donné le signal de l’opposition, de la résistance et de la victoire, dès l’été de 1808.

« Comme successeur du malheureux Oudet, les philadelphes élurent le général Malet, que Napoléon incarcérait à Paris pour cause de jacobinisme. Nous pensâmes soustraire ainsi notre chef à la manie d’assassinat qui avait déjà sacrifié Joubert, Pichegru, le duc d’Enghien, Oudet… Cependant le tsar Alexandre, initié lui-même à l’art royal, comme son illustre aïeule Catherine II, reçut volontiers les émissaires de l’illuminisme et des loges ; et ce fut par ses estafettes que Malet connut dans sa maison de santé, avant les gens de Paris, l’incendie de Moscou et la fin probable du Corse, enseveli dans les neiges russes. Notre général sortit de l’hospice, revêtit son uniforme, entraîna plusieurs compagnies de soldats philadelphes… »

Le bisaïeul ne contait pas cette fin d’un ami cher entre tous, de son « Léonidas », sans fermer un instant les yeux, comme s’il priait. Peut-être sa conscience s’interrogeait-elle pour savoir si elle justifiait le sacrifice de tant de nobles vies à la chimère vaincue. Un sentiment pénible appesantissait le cœur peureux d’Omer. Il regardait la large face et le lacis des rides, et les paupières diaphanes dans leurs cercles de bistre. À côté de son père, qu’il se représentait gisant sous les murs de Presbourg, c’était l’autre cadavre de la