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inquiétèrent les juges du Châtelet. Ils firent murer l’établissement maçonnique du cabaretier Chapelot, avant que d’enfermer au Fort-l’Évêque mon grand-père, Fidelio, et mon père, Octave Lyrisse, avec les adeptes d’une autre loge installée à l’hôtel de Soissons, dans la rue des Deux-Écus.

« Comme si les ambassadeurs des tyrans s’étaient concertés, mille rigueurs frappaient partout les Enfants de la Veuve, en Hollande et en Suède, à Genève, Florence, Hambourg. Le pape Clément XII les excommuniait. Au sortir de prison, les Lyrisse et beaucoup d’autres durent passer en pays anglais. Les maçons de Londres, aimait à dire mon père, leur firent un si bon accueil que la gastronomie des loges anglaises acquit dès lors une renommée universelle : leurs chefs de cuisine, éligibles aux dignités mêmes de l’Ordre, y portaient glorieusement le tablier de soie rouge et la baguette blanche. Là mourut, tout jeune encore, mon aïeul Fidelio. Mon père, après lui avoir rendu les derniers devoirs, revint en France prendre du service dans les chevau-légers de Rohan, qui tenaient garnison à Marseille. Il y consacra la loge Saint-Jean-d’Écosse, aidé d’un anspessade au régiment de Provence et d’un apothicaire. Faute d’argent, le vénérable ne pouvait allumer qu’une mauvaise lanterne d’écurie pour les tenues ; il éclairait ainsi les adeptes réunis dans un vaste grenier à foin. Parmi les personnes curieuses d’apprendre le secret d’Hiram et la composition de la pierre philosophale, la veuve d’un marchand grec péri à la mer distingua Octave Lyrisse et l’épousa. De cette union je naquis, après mon frère. Lui s’embarqua de bonne heure pour les Indes, dans la suite du baron de Tollendal, et y fit meilleure fortune que moi…

Le parrain continuait de se souvenir, ainsi, pendant de longues heures, au gré de sa mémoire abondante. Vaguement Omer lui prêtait attention. Tantôt, il écou-