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prennent humblement l’extérieur des pauvres sœurs converses. Son ancien parfum d’iris, la propreté de sa collerette en guipure, de ses manchettes à dents, ses bandeaux argentés et bien lisses, entr’ouverts sur le front étroit, bombé, jauni, lui prêtaient seuls encore un air de noblesse. La reconnaissant quasi plus vieille que le parrain octogénaire, son fils eût pleuré. Heureusement, la cloche du dîner ébranla les airs et la pluie. Par la porte de la salle qu’ouvrit un valet rustique, en casaque bleue et pantalon de futaine, l’odeur du rôti pénétra.

Avant le dessert, le bisaïeul parla, comme jadis, de ses idées indéfinies, de ses équipées maçonniques à travers l’Europe. Au point même où, cinq ans plus tôt, Omer l’avait laissée, l’existence de la famille reprit. Elle lui parut s’alanguir, morose et lente, dans une atmosphère d’ennui, au son prolongé des redites.

Sous le ciel nuageux, les verdures massives du parc étaient pareilles de couleur aux mousses en laine qui formaient paravent contre la cheminée.

Rien n’était changé de l’antique demeure. Il y avait seulement un peu plus de poussière, un peu plus de lézardes, un peu plus de tristesse sur les choses, un peu plus d’asthme au souffle du bisaïeul, un peu plus de dévotion dans le chagrin de la mère. Rien n’était changé, sauf lui. Parti comme un enfant vaincu, mais plein d’espoir de revanche et de conquête, il rentrait au logis comme un adolescent encore vaincu, mais sans autre espoir que celui d’une main amoureuse pour bercer sa faiblesse.

Le lendemain, il courut avec une servante par les prés. Elle riait. Ses yeux quémandèrent de l’amour. Il exauça leurs désirs mutuels de promptes caresses qu’ils échangèrent, nichés dans les meules. Telle fut sa félicité, qu’il estima mesquine et basse aux heures de recueillement.