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sans n’aurait qu’à mettre une signature au bas de la minute. Cela sauverait le couple de bien des tracas. Ils les désignèrent par le menu.

À l’idée du comte recevant pareille requête un matin d’humeur quinteuse, Omer faillit éclater de rire ; mais il crut indifférent de promettre. La jolie rémoise devenait familière jusqu’à lui épousseter la manche. Les bourgeois le courtisèrent. Lui se drapa dans son manteau noir, parla de son père, le héros, se dit voué à une affreuse tristesse parce qu’il gardait en soi le deuil de la patrie vaincue. Sérieusement écouté, il usa d’éloquence. Que pouvait entreprendre un jeune homme après les exploits magnifiques de sa famille ? Se faire prêtre ? Mais il sentait autre chose en lui : un désir de vie, de conquête et de liberté. Et quels buts à ce désir ? La Sainte-Alliance des tyrans dominait le monde. Huit mille baïonnettes autrichiennes venaient d’abolir à Naples la constitution établie l’année précédente, par ce brave général Pepe… Surpris de sa propre audace, Omer discourut pour le sourire béant d’Aglaé, dont la lèvre inférieure s’inclinait comme le pétale d’une rose mûre. Certes elle l’admirait ; et l’homme approuvait sans cesse, levant ses grandes mains calleuses, l’une après l’autre, puis les abattant sur ses cuisses, après un haut-le-corps d’indignation. Il confessa ne lire point les journaux ; mais il avait retenu plusieurs couplets frondeurs de Béranger qui lui dictaient sa conviction.

Omer entendit une foi neuve se révéler soudain dans ses périodes, pendant qu’il tentait de séduire cette bourgeoise. En lui servant les déclamations de l’oncle Edme, les homélies farouches du Père Anselme, et les philosophies du bisaïeul, retrouvées pêle-mêle dans les réserves de sa mémoire, le collégien s’étonna qu’une force vibrât, inconnue et virile, parmi ses paroles.

À l’auberge du relais, rien n’empêcha la continuation