Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’écrasait contre les carreaux trépidants des vasistas que mouchetaient les gerbes de boue liquide. Du velours des banquettes une odeur sûre montait. Omer porta jusqu’à son visage un mouchoir de sa sœur, parfumé à l’eau des sultanes. Il croisa ses jambes en bottes, ses premières bottes de ville, pointues au bout, taillées à cœur dans le haut de la tige, et qu’il avait obtenues de la généreuse Caroline. Le relent du cuir, bien qu’un peu fort, lui plaisait comme une marque de vie cavalière, noble. Il déplora qu’elles se fussent crottées dans la cour de l’auberge. Mais il savait, agréables sa figure, déjà mâle, et son regard bleuâtre insistant, sous de beaux sourcils noirs réunis à la racine du nez. Il n’ignorait pas la grâce de ses cheveux flottants, que couronnait une casquette de velours mol à gland de soie, ni l’intelligence de sa bouche fine, roidement coupée dans la chair que pâlissait encore l’ample cravate de cachemire bleu, nouée à l’orientale. Le goût d’ennoblir, par l’élégance, sa personne extérieure l’obsédait fort, comme sa résolution d’aimer, de séduire, et son aisance à découvrir chez autrui le grotesque et le commun, dont il s’estimait incapable.

Vraiment, aucun des voyageurs ne l’égalait en bon genre. La dame choisissait trop gaiement les cerises dans les profondeurs de la capote qu’elle gardait sur les genoux, en manière de panier commode. Par économie, elle était attentive aux plis du fourreau en mousseline verte où ses jambes se trémoussaient. Un grand monsieur paterne et lecteur du Constitutionnel, arborait, hors de propos, des opinions libérales en restant coiffé d’un bolivar aux ailes bonnes contre le soleil des pampas. Dans le coupé, Omer avait aperçu néanmoins une jeune fille qui, vêtue d’une simple robe marron fort étroite, et à demi dégagée d’un schall, rêvait aux poésies de l’Écho des Bardes, l’almanach clos entre ses mains longues. Auprès d’elle, un mon-