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Pendant les premiers jours d’août 1821, Omer Héricourt se rendit d’Artois au château de Lorraine. Il voyagea seul, en diligence, « à la garde de Dieu et sous la conduite du conducteur », comme l’enregistrait la feuille du maître de poste. Dans la voiture, un prêtre bâillait derrière son tricorne, dépliait et repliait la Quotidienne ; une petite vieille, marmonnant, égrenait son rosaire. Les mains dans les poches, un commis voyageur fredonnait :

Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille !…

Trois marchands commentaient la saveur des vins. Un ménage bourgeois épluchait des oranges. Admirablement frisé, éperonné, enflé par les tuyautages de son jabot, le mari murmurait des aventures bouffonnes dans le cou de sa femme grassouillette ; elle semblait fière de lourdes topazes encadrées d’or massif, et pendues à ses oreilles. Elle riait, soudainement joufflue, rouge jusqu’aux sept peignes qui retenaient les anneaux et les tresses de sa chevelure brune.

Omer se flatta de l’intéresser, car son attitude mélancolique s’enveloppait d’un léger manteau à l’espagnole doublé d’amarante, cadeau de la comtesse Aurélie. Il le portait sur sa veste de nankin, malgré la saison, en hommage à la dernière mode ; d’ailleurs, l’averse