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à leur défaut, des noix, des bouchons, mille objets menus dont il essayait le poids accru par l’effet des trajectoires. Minos, le chat gris, ne garda plus la quiétude habituelle, au faîte du secrétaire où il s’était jusqu’à ce temps réfugié, souple et silencieux. Si, parfois, la fenêtre demeurait ouverte, rien n’empêchait d’assaillir le passant, avec une pelote de fil. Ce pour quoi, Denise fut tancée vertement, son frère ayant vite couru dans la pièce voisine, le coup fait, afin de paraître y compter, sage, les losanges du plancher.

Cependant il ne négligeait pas d’accroître la science de soi-même. Dans la maison de tante Aurélie, à l’hôtel de Praxi-Blassans, des messieurs en bas de soie et des dames à traînes câlinaient les enfants bien propres. Là, sous le vêtement masculin endossé pour la fête de son cinquième anniversaire, large culotte rayée, courte veste à revers pointus, casquette à grande visière et à gland rouge, Omer timide se crut d’abord fâcheusement travesti. La tante, au contraire, le complimenta devant ses amis :

― Oui, voilà les cheveux mêmes de mon frère, lorsqu’il était enfant, les cheveux et les yeux de Bernard Héricourt, son menton carré. Oui, ce sont les boucles mêmes que mon père se plut à flatter doucement jadis !

Aussitôt chacun le caressa. Vite l’enfant assuma l’orgueil d’égaler ainsi le héros si religieusement vanté par tous. De hauts soldats lui permirent un peu de jouer avec leurs boutons d’argent, leurs dragonnes, de toucher leurs sabres. On le persuada de nommer « mon oncle Augustin » l’officier à la mine sévère et à la voix douce qui, frère du mort, l’avait suivi de bataille en bataille. La femme d’Augustin était odorante et somptueuse ; elle fit présent à son neveu d’un petit cimeterre doré.

― n’oublie jamais la bravoure de ton père ! Dit-elle, mon bel enfant !