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superbes exercices du père Corbinon, qui réussissait presque à tracer, avec la pointe du patin, des noms sur la glace. Les trois cousins se firent plus amis, à répéter ces propos. Dans leur conception de l’amour, ils s’apprécièrent, différents. Édouard souhaitait de séduire une belle jeune fille spirituelle, malicieuse, fière, et de lui saccager l’âme et les atours afin de s’en rendre le maître incontesté par la force irrésistible de son ardeur. Dieudonné convoita des courtisanes expertes et saines, capables de multiplier les sensations voluptueuses, d’émouvoir les épidermes. Omer eût voulu, pour lui, une sorte de sœur admirante qui l’eût caressé, comme à leur insu. L’emphase de Corinne, la passivité des nymphes rustiques, il ne les regrettait pas. Incertain devant l’avenir, il cherchait l’appui d’une amitié constante qui répondît à ses objections, et réconfortât ses espoirs débiles, en y ajoutant cette douceur de frémir à l’unisson.

Lorsque le printemps chargea de blancheurs légères les rameaux des pommiers, lorsque les lilas débordèrent le mur du jardin réservé au recteur, Omer Héricourt sentit, avec plus de chagrin, le manque d’une telle affection. La nature se renouvelait, jeune et pimpante. Les gazouillis des oiseaux enguirlandaient toutes les branches. Puis les fleurs des marronniers neigèrent dans les quinconces. Les boutons d’or éclatèrent sur les pelouses neuves. L’éternité du monde se rajeunit tout entière.

Lui se voyait dans un sépulcre blanchi de chaux à toutes les murailles. La vierge du corridor n’avait plus l’attrait du mystère. Briser la vitre, secouer les feuilles d’or, toucher la statue pour découvrir ce que célait la face de Marie, il ne le désirait plus. L’effigie renouvelait seulement une peine, celle de se rappeler sa mère malade et douloureuse en Lorraine, avec la peur de l’enfer toujours plus obsédante, de lettre en