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Pour lui, d’ailleurs, le véritable avenir, c’était le service de l’Église. Son mariage ne l’en détournerait pas. À voix basse, il révéla que le comte de Praxi-Blassans l’avait fait admettre, par faveur spéciale, à titre de probationnaire, dans la Congrégation. Il montra les dix grains enflant le cercle extérieur de sa petite bague d’argent, qui formait ainsi chapelet. Le Père Ronsin lui-même l’avait reçu dans la chapelle des Missions Étrangères, rue du Bac. On pouvait ainsi devenir « jésuite de robe courte » et participer à l’œuvre immense de saint Ignace, pour le relèvement de la catholicité qui devait confondre en un seul tous les peuples chrétiens. Un seul cœur, une seule âme. Cor unus, anima una.

C’était le rêve même qu’ils avaient ensemble vénéré aux leçons du Père Anselme, et qu’ils n’abandonnaient point. Édouard ne croyait pas l’amour des créatures contradictoire avec l’amour du Créateur. Tenté par une grisette parisienne, aux Galeries de bois, il avait connu le plaisir. Un confesseur jésuite l’avait absous, ensuite, comme d’une faute vénielle.

Là-dessus, les confidences des jeunes gens ne tarirent guère. Harcelant Dieudonné, puisque la règle les obligeait à se réunir trois pour causer dans les cours du collège, ils parlèrent de l’amour sans trêve. Le gros Cavrois plaisantait salement, encore qu’il demeurât vierge, car il savait les phases des maladies honteuses, les saletés de l’obstétrique, et le mécanisme de la génération. Quand Édouard discourait sur la passion, Omer sur le sentiment, Dieudonné déclarait que c’étaient là des sauces qui cachaient le poisson, et un vilain poisson !

Auprès du poêle, l’hiver, et même en s’exerçant à patiner sur la mare de la prairie, ils continuèrent cette dissertation. À peine se détournaient-ils pour voir le Père Vadenat tomber, à la joie générale, ou les