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immense tambourin. Au dos caparaçonné d’un bœuf parut un enfant ailé d’or qui trônait sous un baldaquin à panaches…

― Tu vois : l’Amour ! Avertit Céline.

Au tumulte de ce triomphe, et parmi tant de seigneurs le maître se montrait. Or, c’était un enfant comme Omer, un Bel enfant frisé pourvu d’ailes d’ange, tenant à la main une flèche lumineuse. Enfant plus malin, empereur déjà, qui l’humiliait par la splendeur de son destin. Enfant qui avait pour jouets mille polichinelles et arlequins vivants, des poissardes parlantes, des mameluks sur de vrais chevaux, des sauvages nombreux, ornés de plumes et de bannières, beuglant à travers des trompes. Omer l’envia, lui son bœuf roux chargé de guirlandes, ses fous à grelots, sa suite en manteaux de broderies, les turbans multicolores de ses gardes.

L’enfant-dieu passait déjà ; son sourire et ses frisures, ses ailes. Balancé selon le pas du bœuf roux, le dais aux grands panaches de couleurs, s’effaça même derrière un nouvel escadron de Turcs. Alors la Picarde refoulée par une bousculade, s’écarta de la chaussée. Omer ne vit plus rien, qu’un vaste chapeau de dame et la visière chargée de rubans. Il se plaignit. Il trépigna. Il secoua l’étreinte des bras solides. On l’emportait inexorablement.

De ce jour, Omer réfléchit au monde extérieur, et à l’avenir. Des puissants existaient : les rois, les fées des contes, l’empereur des musiques, cet enfant ailé. Les seuls dominateurs n’étaient pas les oncles, les tantes, la mère, la sœur, la bonne. Il s’inquiéta.

Dans l’histoire sainte lue à haute voix, chaque matin, pour lui, la victoire du petit David sur le géant Goliath l’émerveilla. Se pouvait-il que le plus faible vainquit le fort. Curieusement il interrogeait l’éducatrice. Elle assura qu’avec la protection divine, cela se pouvait. Omer étudia l’art de lancer des cailloux, et,