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âgé de trente ans, à qui le roi venait de faire envoyer, comme présent d’honneur, les classiques de l’édition Didot, le poète, pour les collégiens semblait l’homme ayant expérimenté l’existence totale, et dans les plus belles conditions d’âme, de talent, d’aventures mondaines ou militaires. Qu’il pensât la même chose qu’Omer, et qu’il estimât cette pensée digne d’être traduite en style divin, cela rendit l’adolescent fier de soi. Dès quatorze ans, il possédait la conception véritable du monde ! L’amour seul console de tous les déboires mérités par les vaines ambitions, ecclésiastiques ou politiques.

Méditant au cours de longues heures, en étude, et en classe, il se voulut philosophe et poète. Ce rêve latin de la médiocrité dorée lui parut facile à réaliser dans le château de Lorraine, même si la fortune des Moulins et de la Banque périclitait. C’était la crainte du général Lyrisse, qu’avaient aigri d’ailleurs maints déplacements coûteux de garnison en garnison ; les bureaux tracassaient de cette manière les officiers bonapartistes.

Sous l’autorité royale, la faiblesse du petit-fils, comme celle du bisaïeul, du grand-père et de l’oncle Edme semblait certaine à jamais. Il restait à Omer de jouir en épicurien et de triompher en amant.

L’attitude affectée par le père Anselme le confirma dans la sagesse de cette abdication. Le jésuite lui parlait le moins possible, ainsi qu’aux élèves indifférents. Quand il développait ses vastes hypothèses touchant le rôle de la Providence dans l’histoire, il s’adressait à la fenêtre et non plus au premier de la classe, Omer ayant tout de suite repris cette place. Pendant les récréations, le Père Anselme participait aux jeux des élèves : la fierté d’Omer se détourna poliment dès que le hasard les rapprochait. Or, comme on devait autant que possible parler latin, dans les classes d’humanités, entre