Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fussent enfin devenues habiles à trouver leur appui alternatif sur le sol, et à manœuvrer la vitesse du « célérifère » dans la salle ronde. Non, Elvire demeura triste dans sa petite robe jaune que terminaient deux hauts volants de dentelle. Ses yeux anglais purement bleus, comme ceux de sa mère, se voilèrent de chagrin, et de cils bruns. Depuis les chevilles serrées dans la coulisse du pantalon, jusqu’aux guipures encadrant son cou potelé, la fillette sembla se roidir ; elle regardait le collégien, puis ses petits doigts roses qu’elle emmêlait machinalement. La moue de sa lèvre se forma. Il vit qu’elle ne tarderait pas à pleurer ; et, déposant la machine, il voulut la prendre aux coudes pour la convaincre de gaieté. En même temps les larmes sautèrent des cils, les sanglots de la bouche contractée ; elle jeta ses bras aux épaules d’Omer, afin d’enfouir son chagrin dans une poitrine amie. Il la respira toute, elle et son parfum de beurre frais, de petite très bien lavée, en linge propre et tiède encore du repassage. Soudain, il dut chasser, au contact de cette tendre chair, le désir des filles voluptueuses, aussitôt épanoui dans son âme.

Il avait connu l’amour, un soir d’effusion, lorsqu’une servante avait simplement changé ses pinçons de gamine, en plaisirs d’amante. Puis le collégien avait bousculé d’autres servantes, des paysannes rieuses et gênées, Corinne et Herminie. De là naissait le trouble.

Étonné, effrayé de soi, très doucement, il écarta la pleureuse et la mena par la main vers sa tante. Ce n’était pas qu’il ne fût certain de vaincre toute convoitise, ou même qu’il craignît devant Elvire une convoitise réelle ; mais ces deux bras autour de son cou, cette joue sous le baiser fraternel le gênaient, pour la première fois. Delphine et Denise l’embrassaient, cependant, l’année précédente, à Pâques encore, sans que rien le contrariât de leurs effusions chastes. Maintenant, pour avoir embrassé et culbuté les nymphes rustiques de l’été, il