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un faible, un faible garçon, bousculé par sa jument, fustigé par l’orage, ébloui par les éclairs griffant la pluie, étourdi par le retentissement du tonnerre. Que pourrait-il contre l’omnipotence du tyran qui venait d’abolir tout un espoir magnifique au moyen de mouchards et de gendarmes ? " mais je suis un roseau pensant ! " se cria-t-il, au souvenir de Pascal. Et il se redressa, tout orgueilleux de lui. " un roseau pensant… un roseau pensant ! " la métaphore classique lui révélait sa grandeur. Il pensait la liberté, l’affranchissement de l’esprit républicain, la tâche du bisaïeul et du père. Et c’était sa magnificence inaccessible à la brutalité du roi, de cet épais vieillard joufflu entre deux épaulettes d’or, qu’il avait vu passer sous la porte saint-Denis, devant les acclamations du peuple saluant la garde impériale. Aux moulins Héricourt, quand Omer eut laissé le domestique prendre la bride et eut mis pied à terre, il se précipita dans le bureau de sa tante. Assise en une bergère de tapisserie à fleurs rapiécées, elle se frotta lentement les mains, flatta ses bagues d’or nu pendant qu’il avouait tout. Ses gros yeux ronds s’attristaient. ― ils me feront mourir, tes conspirateurs !… autrefois, c’était ton père qui conspirait avec Moreau contre Napoléon ; aujourd’hui, c’est ton oncle Edme… et son ami Gresloup… ah bien !… ah bien !… sais-tu s’ils ont laissé des papiers ici ? ― non, les choses importantes sont là-bas en Lorraine ; et mon oncle porte toujours sur lui les lettres qu’il reçoit… ― il va falloir que je me débrouille avec le préfet, maintenant… dieu me garde !… ça va me coûter gros. En effet, un personnage ne tarda point à descendre d’une berline parvenue jusqu’au perron. Il avait une