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de laisser pour le chemin creux. Il le dit, notant que M. Boredain ne dirigeait pas lui-même le bidet blanc : c’était un inconnu en redingote brune, assis à droite. Un autre, en redingote olive, était assis à gauche. Aussitôt le collégien aperçut les bonnets à poil et les buffleteries jaunes des gendarmes, et leurs montures au pas. Ils étaient cinq derrière la voiture. La pluie s’épancha soudain en averse, écrasant le sable. Deux jurons roulèrent dans les mâchoires du capitaine et du major : évidemment, les gendarmes et les mouchards sortaient de chez Corinne. La Goguette presque entière devait être arrêtée, le complot du bazar découvert. Et ils regardaient, furieux, le cortège pitoyable autour du tapecu cahotant sur les ornières, parmi les jets métalliques de l’averse ; les cinq silhouettes identiques des gendarmes inclinaient la tête sous les taloches de l’eau bruyante. ― il ne s’agit pas de donner dans la souricière ? ― conseilla le major. ― j’ai des paperasses trop précieuses pour les offrir au procureur… apparemment, tout est fichu. Les gendarmes iront aux moulins de sainte-Catherine. ― il n’y faut pas rentrer ! Commanda l’oncle Edme. Il faut même déguerpir ; et au galop… petit, retourne à la maison ; dis à la tante pourquoi nous partons en voyage… au revoir !… embrasse-moi, mon garçon… n’oublie pas ce que tu dois à la mémoire de ton père, hein ?… entendu ?… tous deux enfourchèrent leurs selles comme si le malheur n’étonnait pas surabondamment leurs vies accoutumées aux hasards de la guerre. Ils se murmuraient des choses brèves en rassemblant les rênes. Les deux chevaux dansaient, faisaient rejaillir la poussière et la boue. Entre les pèlerines ruisselantes et les chapeaux noircis, la face aquiline de l’oncle Edme se durc-