Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trompes meuglèrent. Par la chaussée, une grande berline avança, remplie de masques. Des nez verruqueux s’offrirent aux portières ; des crânes étrangement bleus. Sur le toit du véhicule, Arlequin aux joues noires frappait de sa batte la bosse jaune de Polichinelle. Stupéfait, Omer reconnut ses pantins en vie. Cassandre buvait le vin que lui versait Paillasse. Ils n’étaient plus ces chiffes galonnées que le poing de l’enfant assénait contre les tapis, contre les murailles. Ils n’étaient plus ces esclaves dont se jouait sa vigueur. Ils eussent pu se défendre et lui nuire, comme il leur avait nui. Ils échappaient à sa victoire. Et tous ces fantoches l’ahurirent qu’il avait vus seulement inanimés. Puissances réelles, vindicatives, ne le voudraient-elles pas aussi battre, pierrots qui secouaient leurs longues manches vides du haut des marchepieds ; poissarde en fanchon, qui, de l’arrière, à la place des laquais et des malles, caressait du plumeau les enfants acharnés à lui tirer les jupons ; romains en manteaux rouges et en casques qui menaient les chevaux lents ; fille qui jetait des chansons du bout de ses bras en mitaines. Celle-ci était une grâce venue de l’autre pays, des contrées étrangères. On s’attrista de la voir disparaître au milieu des acclamations, des visages levés dans les chapeaux vol-au-vent, des mouchoirs agités par des mains jeunes. Sur ces gens, Omer eût voulu l’emporter et conquérir l’affection de la fille. Ainsi, brusquement, il apprit les rivaux, et leurs crimes.

Alors des tambours grondèrent. Le tumulte ébranla son être. Sa mémoire reconnut un air : « L’empereur ! » espéra-t-il.

Ce furent plutôt des empereurs. Sous les panaches abondants et tricolores de leurs chapeaux, ils chevauchèrent enrichis de manteaux écarlates brodés en métal. De larges coursiers balançaient la magnificence de ces potentats. Omer s’éblouit à les voir. Les musiques