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chait à grands pas dans les plis de l’immense pantalon claquant autour de ses mollets colossaux.

Derrière les lames des jalousies, Corinne excitait Omer aux moqueries. Rien n’eût paru plus drôle que ces messieurs grisonnants, étiques ou ventrus, qui parlaient à la fois, assiégeaient un orateur dans sa tonnelle, mêlaient les fureurs de leurs gestes près du cadran solaire, horizontal sur son poteau qui servait de centre aux évolutions. Cependant le voltigeur-savetier ramonait sa trogne d’un index actif, le carabinier-charretier tiraillait sa barbiche, le canonnier-serrurier abritait sa claudication derrière un arbuste très fourni de groseilles blanches, dont il égrenait sournoisement les grappes.

― Mais le lendemain, messieurs, le lendemain ? Il y a toujours la question du lendemain ! ― sifflait la voix aigrelette du chevalier de Vimy.

Elle imposait silence aux plus turbulents, qui se rapprochaient, les yeux ronds et le souffle court.

― Nous proclamerons le roi de Rome, Napoléon II… Ce nom ralliera tout le monde ! ― déclarait M. Mercœur avec autorité.

― Sauf M. de Lafayette et moi ! ripostait vite M. Publius Deconink, en posant la main contre son cœur et en s’inclinant.

― Et M. de Lafayette n’est pas de ceux qu’on néglige, que je sache ! ― appuyait le chevalier de Vimy, en portant à l’un, puis à l’autre œil, son monocle.

Après quoi, il glissait un pas de contredanse, la pointe en dehors, et dévisageait impertinemment chacun.

― Puisque vous demandez une aide à l’armée, n’est-il pas nécessaire d’adopter tout d’abord le nom qu’elle aime et qui lui rappelle sa gloire ? ― interrogeait gracieusement M. Boredain, comme s’il eût vanté devant une jolie marchande la souplesse d’une étoffe à deux fins.