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la fortune de la tante Caroline, par toute la région, entre la double haie des saules, ombre des rives. Cela s’en allait dans l’horizon même des Hollandes.

Edme Lyrisse supputa la richesse de Caroline, pour son ami dont les lèvres pincées souriaient toujours. Celui-ci répondait, approuvait, niait, interrogeait, sans paroles, par les mines expressives de sa figure maigre et glabre. Le capitaine savait toutes les phases de cette conquête pacifique et comment la jeune épouse de feu Cavrois avait, au début du siècle, soumissionné les fournitures de farine pour l’armée du Rhin, en acceptant, à titre provisoire, les traites douteuses des banquiers de l’État, et celles des Négociants réunis. après Marengo Hohenlinden, le Trésor l’avait payée avec l’argent de l’Autriche. Après Austerlitz, l’or du même État vint rénumérer la confiance de Caroline. Cette confiance diminua lors des événements d’Espagne, disparut au moment du mariage avec Marie-Louise, feu Cavrois ayant prédit l’hostilité du monde jacobin contre Napoléon, et le profit qu’en tireraient les royalistes avec leurs amis d’Angleterre. Alors les charbonnages attirèrent l’attention de la prudente personne : le blocus continental finissait par contraindre les gens de France à produire ce que l’industrie britannique leur envoyait auparavant. Fabriques, hauts fourneaux, forges, brasseries, raffineries de mélasses s’étaient élevés en tous lieux et absorbaient du combustible. Plus tard, avant Liepzig, Caroline acheta partout, en Artois et en Lorraine, du blé à huit francs, et attendit, ses greniers pleins, de septembre 1813 à mai 1814, l’invasion qu’il faudrait nourrir. Elle vendit le blé seize francs dès le mois de juin aux intendants de la Sainte-Alliance. Ç’avait été sa grande affaire, l’apogée de son génie. La Compagnie Héricourt put achever d’établir sa banque ; elle prêta, par son intermédiaire, un million en écus aux majordomes du comte d’Artois, pendant les Cent-Jours. Waterloo